Pareil titre ne pouvait qu’attiser notre gourmandise….
L’ardeur du chocolat pourra-t-elle délivrer Zoé Letellier, écrivain à succès, d’une amnésie foudroyante due à un choc psychologique?
Tel est l’enjeu du nouveau roman de Barbara Abel, en tout point sympathique: prise en charge par son proche entourage, à quatre jours de son mariage avec Julien – Julien ? – Zoé tente de réintégrer le rôle et la vie de celle qu’elle est censée être : « …en perdant la mémoire, je suis devenue spectatrice de ma propre existence, là où, fatalement et jusqu’à présent, j’étais l’interprète principale d’un rôle qui n’avait été écrit que pour moi. Ce rôle, mon subconscient l’a aujourd’hui abandonné, préférant s’installer confortablement dans la salle au milieu des autres spectateurs afin de suivre sur l’écran les tribulations d’une jeune femme destituée de son passé. »
On imagine, ou plutôt, l’auteur nous concocte un tableau tantôt émouvant, tantôt cocasse des chausse-trappes qui guettent l’amnésique projeté dans une vie dont il ne connaît plus rien, hormis les références culturelles. Construit sur le mode d’un thriller, le roman tente de résoudre l’énigme qui entoure le proche passé de Zoé. Un passé qui n’est pas nécessairement un …présent.
« Le problème, c’est que sans passé, il n’y a pas d’avenir, à peine un présent qui, crois-moi, n’ai rien d’un cadeau. »
Un roman drôlement bien ficelé, qui se double d’une réflexion intéressante sur le rôle constitutif du souvenir.
Apolline Elter
La brûlure du chocolat, Barbara Abel, roman, Fleuve noir, oct.2010, 322 pp, 18,9 €
Billet de faveur
AE: Avez-vous fait appel, Barbara Abel, à des spécialistes de l’amnésie (médecins, victimes..) pour en comprendre le processus et construire le scénario du roman?
Barbara Abel: Non, je me suis surtout documentée sur le Net. Mais l’important n’était pas tellement d’être fidèle à une réalité « médicale ». Si l’amnésie rétrograde existe bel et bien, je ne suis pas certaine que la simple évocation des souvenirs puisse à elle seule faire revenir la mémoire. Je me suis simplement servie de cette situation pour alimenter mon histoire. C’est un roman de pure fiction, et l’essentiel pour moi était surtout d’écrire une histoire intense (comme le chocolat) et ludique.
AE: « (…) on pourrait presque reconstituer notre histoire au travers des chansons qu’on écoutait. Leonard Cohen, Tom Wiats, Santana, Maxime Leforestier, Paolo Conté… » annonce Mathias, le frère de Zoé. Vous voyez, vous aussi, en la musique, « un réservoir à souvenirs« ?
Barbara Abel: Alors là, oui, complètement! Certaines musiques peuvent réellement vous transporter à une autre période de votre vie. Une véritable machine à voyager dans le temps! Surtout celles qui font partie d’une époque et que l’on n’écoute plus pendant des années. Lorsqu’elle resurgit, souvent au moment où on s’y attend le moins, c’est toute cette époque qui revit à travers elle. Je suis très sensible à cela…
AE: « Proust avait ses madeleines, j’aurais eu mes chocolats » déclare Zoé. La » brûlure du chocolat », est en effet la clef de l’énigme… Madeleine proustienne au carré, elle franchit la barrière de l’amnésie au-delà de celle du souvenir. Votre madeleine de Proust, Barbara Abel, est-elle chocolat?
Barbara Abel: Bonne question! C’est quoi, ma madeleine de Proust? Pas le chocolat, puisque j’en mange presque qotidiennement depuis des années… Je crois que ce serait ce que ma grand-mère appelait « un oeuf au sucre »: quand j’étais petite et que je passais mes vacances chez elle, au Portugal, tous les matins elle me faisait « un oeuf au sucre »: un jaune d’oeuf mélangé avec du sucre et du cacao. J’adorais ça ! Cela doit bien faire 25 ans que je n’en ai plus mangé… J’imagine que si j’en remangeais, ce serait totalement proustien. Mais sincèrement, je n’en ai pas vraiment envie 😉 !
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