« Il arrive un moment où, face à l’agressivité sommaire qui mène le monde, on éprouve le besoin de s’arrêter pour dresser le seul bilan qui compte vraiment dans une vie : la différence entre le passif et l’actif – entre ce qu’on a reçu et ce qu’on a fait pour les autres. »
Présenter la bienveillance comme une « arme », c’est déjà induire la subtilité de la posture.
A la veille de son soixantième anniversaire ( fin juillet 2020) l’affable romancier opère un bilan de sa vie. Sorte de bilan comptable de ses « investissements »
Doté dès sa prime enfance d’une empathie à tout crin, Didier van Cauwelaer a rapidement saisi l’intérêt de déjouer toute forme de violence par une réponse inattendue, inédite et partant, d’une efficacité redoutable. Celle d’injecter la bienveillance pour en recevoir à son tour sa part, tel un juste retour sur investissement..
» Ainsi la rancune la plus légitime peut‑elle être soluble dans la bienveillance. Plus qu’un pardon passif, le bien qu’on fait en réponse au mal est une arme défensive, un détergent moral qui élimine avec bonheur les toxines de la haine. »
Etayé d’anecdotes d’enfance et de souvenirs familiaux délicieusement drôles, le récit démontre combien le principe est inné et partagé à travers les règnes animal, végétal et extra-terrestre.
» Et si la bienveillance était, plus encore qu’un instinct, la preuve que tous les organismes vivant sur notre planète sont intimement liés par leurs composants communs «
On ne peut que souscrire à une telle force de convictions
Une lecture recommandée
Apolline Elter
La bienveillance est une arme absolue, Didier van Cauwelaert, essai, Ed. de l’Observatoire, novembre 2019, 288 pp
Billet de ferveur
AE : La bienveillance que vous manifeste Charles Poletti, votre instituteur, évoque celle de Louis Germain envers Albert Camus. L’écrivain lui dédiera son discours de réception du Prix Nobel de Littérature
Didier van Cauwelaert : Toutes proportions gardées, j’ai dédié à cet instituteur mon prix Goncourt. Il m’a fait gagner un temps considérable, à neuf ans, en m’encourageant à écrire toujours plus au lieu de perdre mon temps avec les chiffres. Tout s’est joué pour moi à l’école primaire, cette école des Magnolias où je retourne chaque année, dans le cadre du programme « Lecture pour tous » initié par la Ville de Nice, parler aux enfants de mes livres et de mon travail d’écrivain. Cette année, la directrice m’a fait la belle surprise d’inviter M. Poletti. Je l’ai retrouvé dans la même classe, quarante ans après, inchangé dans son autorité malicieuse et son empathie enthousiaste. Les retrouvailles ont été magiques, en présence des enfants et des enseignants d’aujourd’hui.
AE= La « connexion psychique » existant entre un chien et son maître permet à ce dernier de presentir des crises d’épilepsie et autres scénarios-catastrophes. C’est dans cette perspective que vous avez fondé l’association « Escape »
Didier van Cauwelaert : 15 % des chiens en moyenne ressentent l’imminence d’une crise d’épilepsie, de 10 à 30 minutes avant que les premiers symptomes n’apparaissent. L’animal, dès sa perception, oblige l’humain à s’asseoir ou à se coucher. Comment a-t-il associé le signal annonciateur d’une crise au danger majeur qu’elle constitue pour le malade : la chute provoquée par rupture d’équilibre ou perte de conscience ? Lorsqu’une bête réagit de la sorte, alors qu’elle rencontre pour la première fois un épileptique et n’a jamais encore été témoin des conséquences de cette maladie, on est en droit de se demander d’où elle tire une telle information. Des pensées du malade, visualisant sa peur de tomber en cas de crise ? Ce sujet me fascine. Oui, la bienveillance peut donner des super-pouvoirs, comme je le montre dans ce livre à travers de nombreux exemples, chez l’homme comme chez l’animal. Avec le Pr Vespignani, épileptologue, nous avons lancé un double programme de recherche scientifique et de recrutement de ces chiens, en vue de les offrir à des malades.
AE : Vous parlez avec tendresse de vos parents et de votre maman, décédée en mars dernier. Un hommage qui évoque celui du « Journal d’un amour perdu’ »d’Eric-Emmanuel Schmitt, votre exact contemporain. Avez-vous déjà eu l’occasion d’échanger des propos sur le sujet et la genèse de vos avènements respectifs à l’écriture ?
Didier van Cauwelaert : J’ai beaucoup d’estime pour la sensibilité et le travail de Schmitt. Nous sommes passionnés par les mêmes sujets, que nous explorons de manière différente, mais avec une bienveillance souvent similaire. Une bienveillance fondée non pas sur une vision angélique des êtres ou sur un optimisme à tout crin, mais sur la lucidité et la confiance.
Un livre que j’ai bien envie de découvrir ! Merci pour la chronique.
Et un billet de faveur éminemment sympathique !
Merci TT, une lecture qui vous siéra … vous êtes la bienveillance personnifiée Joyeux Noël, Apolline