« A présent, je comprenais sans peine que la valeur d’un ancêtre se mesure au comportement de ses enfants. »
Lauréate du Prix Première 2011 – une attribution justifiée – Nicole Roland entraîne le lecteur dans un Japon dévasté par la fin de la guerre (39-45) et les prémisses de la défaite. Une soumission au code martial du Samouraï, qui taxe de perfection suprême la mort au combat, pousse Kosaburo et Mitsuko, à se constituer kamikazes, au sein d’une unité de pilotes de chasse.
« Je ne pouvais pas me dissimuler la vérité: je serais un kamikaze malgré moi; je suivrais la « voie du guerrier », mais je n’étais pas dupe de cette tentative désespérée. L’appel dans cette unité était un honneur important mais aussi une sentence de mort. »
Honneur et loyauté sont les maîtres-mots du roman et de la conduite de Mitsouko, déguisée en homme, pour pallier la honteuse défection de son frère, Akira, échappé au combat. La mort se profile à chaque page qui oblige le lecteur à réfléchir sur le sens d’une vie comptée. La lecture aussi, qui constitue, une gracieuse tranche d’éternité:
« (…)je cédais à l’attirance que les livres ont toujours exercée sur moi. (…) Déjà, je respirais l’odeur des vieux livres, intimement mêlée à celle du papier des stores qu’on avait baissés pour les protéger du soleil de l’après-midi. Je me coulais dans un moment de joie pure: celle des heures qui m’appartiendraient soudain ici, à la faveur d’une permission exceptionnelle, celle de faire ce qui me plaisait le plus, retranchée de la vie qui continuait dehors, de la guerre et de son cortège de souffrances. »
Un récit qui allie une écriture sobre, soignée, précise et belle à une imprégnation orientale assez sidérante.
Apolline Elter
Kosaburo, 1945, Nicole Roland, roman, Actes Sud, février 2011, 146 pp, 16 €
Billet de ferveur
AE: Nicole Roland, c’est le décès de votre fille Hélène qui vous a plongée dans cette littérature japonaise qu’elle chérissait. Prêtant à Mitsouko ses traits, vous rejoignez les deux jeunes filles dans le « tombeau immatériel » que constitue votre récit. Offre-t-il aussi, tel le phénix, la possibilité d’une nouvelle naissance?
Nicole Roland : J’adhère au symbole du phénix, en effet, parce que je crois que d’une mort peut surgir une naissance, une façon autre d’exister.
AE: La vocation « kamikaze »‘ des héros est présentée sous une forme de pureté, d’inéluctabilité. Ne risquons-nous pas d’être plus sensibles au côté héroïque de leur comportement qu’à son absurdité?
Nicole Roland: L’absurdité du geste n’était guère perceptible pour les jeunes pilotes concernés: ils ont lu le Hagakure et Camus n’est pas parvenu jusqu’à eux. Je crois à l’importance du don, de l’engagement.
AE: Avez-vous eu déjà des réactions de jeunes lecteurs (18 – 20 ans). Pensez-vous que leur lecture sera différente de celle d’adultes « consommés »?
Nicole Roland: Les réactions de lecteurs adolescents sont très enthousiastes : cela me réchauffe le coeur – ils sont dans l’authentique.
AE: Et puis, félicitations, c’est un très très beau roman.
Nicole Roland était l’invitée de La Librairie Point Virgule, à Namur (Place st-Aubain), jeudi 3 mars. Compte rendu d’une rencontre très riche, mercredi 9 mars sur ce blog.
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