Il est de tradition de considérer l’attribution du Prix Interallié comme conclusion de la période des grands prix littéraires.
Soit.
Primoromancier, neurobiochimiste de formation, Souabe (Danube) par ascendance maternelle, le lauréat 2014, Mathias Menegoz (46 ans) renoue, visiblement heureux, avec la tradition des grands romans du XIX e siècle. Et la magie opère car la langue nette, soignée, farcie de descriptions analytiques et très évocatrices, est soutenue d’une tension impeccable. On pourrait juste lui reprocher un certain bavardage, un nombre de pages porté à 697… ce qui est tout de même un peu long.
L’argument.
Années 1830:
Désireux de reprendre possession du domaine familial de Korvanya (Transsylvanie), le comte Alexander Korvanyi quitte l’armée et Vienne, avec sa jeune et toute fraîche épouse, Cara von Ampecht. Ils y parviennent au terme d’un voyage de 16 jours.
Géré par l’intendant Lanffy, le domaine comprend un château noir, abandonné depuis une cinquantaine d’années (1784). Korvanyi se rétablit souverain d’un fief encore pleinement géré sur le mode féodal médiéval.
Tandis que le couple organise une grandiose Jadgfest, invitant pour plusieurs jours, toute la noblesse chassant des environs, il se voit rapidement confronté aux haines et querelles radicales des factions valaques, magyares et saxonnes des serfs. L’épopée se double alors d’une investigation sociétale.
« La robustesse des hiérarchies locales apparaissait dans le maintien instinctif de la séparation des nobles et des serviteurs, des officiers et des soldats, même dans les circonstances tragiques. Seuls les morts étaient alignés sans ordre au dehors et nul ne pouvait songer à s’inspirer de cette égalité-là. »
Et d’une réflexion psychologique diffuse sur la construction d’un couple.
« Enfin, Cara et Alexander étaient, à ce moment, également intoxiqués par l’intensité que les événements et la lutte partagée donnaient à leurs amours. Ils étaient enivrés par l’impression de n’avoir jamais été si proches alors qu’ils ne faisaient que se raccrocher l’un à l’autre. »
Karpathia, Mathias Menegoz, roman, Editions P.O.L, août 2014, 697 pp
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