Joyeux Noël

 

url.jpg

« Le commissaire Kermeur avait pour habitude, et pour méthode, de ne jamais rater les dates anniversaires des familles dont il n’avait pas sondé les opacités. Rien ne l’intéressait comme ces moments où la clarté tombe dans les esprits et où les loyautés se rompent. Le mutisme des fratries l’avait toujours inquiété, même si celle-ci, en trompe l’oeil et si singulière, paraissait avoir inventé la gaieté. »

 Noël , fête de naissance, d’avénement à la vérité…

Réuni sur l’ île bretonne patriarcale, à l’occasion de Noël et de l’anniversaire  de Gwen, sa doyenne, le clan Diskredapl  (  » Impensable » en breton) est saisi d’une fulgurante levée de tabous, sorte de transe collective d’aveux de secrets enfouis. L’instigatrice de l’événement se nomme  Norma: « étrange vestale de la transparence« , elle a décidé de vivre sa vie sans angle mort et entend mettre à nu, les exactions commises par les « Impensables »,  aïeuls,  membres de la famille et pièces rapportées.

L’épopée de cette famille jardinesque, écho flagrant des Gens très bien dont l’écrivain avait levé le secret, au prix d’un récit courageux et percutant (voir notre chronique sur ce blog) permet à ce dernier de renaître des cendres, de la mort littéraire qu’avait suscitée la révélation de son propre passé familial.

« Vivre pour ces gens-là, c’était exagérer. Et vaincre la normalité, en concassant les habitudes. Peut-être était-ce pour cela qu’ils circulaient pieds nus sur leur île, en été surtout mais aussi en hiver – équipés de sandalettes ou de chaussons-, comme s’ils avaient confondu cette île et leur domicile. De même refusaient-ils de mettre des points sur les i lorsqu’ils envoyaient des cartes postales, pour signifier leur mépris de la clarté. »

Autopsie d’une tribu qui vit à la surface de dénis accumulés et qui paie de morts l’expression de la vérité.

Eloge  de la vérité dont Alexandre Jardin affirme qu’il lui a été inspiré par la vraie rencontre de Norma, au cours d’une séance de signature et de la démonstration sidérante d’une intégrité inaltérable.

Et toujours la  quête de l’expression juste, la maîtrise du style , le recours aux métaphores neuves et suggestives qui trempent d’encre précieux la plume de l’écrivain.

Une lecture recommandée.

AE

Joyeux Noël, Alexandre Jardin, roman, novembre 2012, 298 pp, 19,8 €