J’emporterai le feu

Ce feu, le flambeau de l’histoire familiale, c’est à Mia Daoud qu’il est confié, en ce troisième tome, conclusif de la saga amorcée en mars 2020,, avec « Le pays des autres » (Ed. Gallimard – Chronique sur le site) sous la plume de Leïla Slimani

Et le lecteur de retrouver Mathilde, la grand-mère, venue d’Alsace à Meknès, en 1946, fonder famille aux côtés d’Amine Belhaj , Aicha leur fille et son mari Mehdi, Mia et Inès, les deux filles du couple,

Et de croiser aussi l’attachante Selma, soeur d’Amine, libre et fantasque et Sélim, frère d’Aicha parti aux USA

Sujette à un brain fog, sorte de confusion cérébrale, suite à un Covid long contracté en 2021, Mia s’extrait progressivement de ce brouillard pour retracer l’histoire des siens, du Maroc, à Paris et à Londres, au départ des années ’80.

En filigranes, bien sûr, les enjeux sociétaux, identitaires, sexués qui saisissent chacun des protagonistes en leurs résidences respectives et prennent de la sorte un tour universel

Car c’est avant tout une oeuvre de transmission que l’écrivaine veut réaliser, au départ de matériaux, propres à son histoire, constitutifs de son destin et transformés pour les besoins de la narration

Et c’est ainsi que nous découvrirons, sous un faciès mystérieux, distant, le portrait particulièrement attachant de Mehdi Daoudi, inspiré de celui d’Othman Slimani, père de l’auteure, haut fonctionnaire, injustement incarcéré  début des années ‘2000 et blanchi post mortem.

 » De cette époque Mia se souviendrait surtout des mots qui n’avaient pas été dits »

Un focus qui permet d’exprimer verbalement ce qui le fut autrement, d’affronter voire de surmonter la honte omniprésente dans l’oeuvre slimanienne.

« Il voulait écrire  comme on se venge et jeter sa vérité à la face du monde » 

Lorsqu’elle intègre l’esprit d’Aicha, gynécologue, mère dévouée de Mia et Inès, la narration se conjugue à la première personne, imprimant à cette dernière un tour introspectif percutant: il y a, en cette femme, respectueuse des diktats sociétaux, une vraie liberté de penser et une ouverture d’esprit corollaire

Une liberté offerte à ses filles qui expérimentent substances et expériences sexuelles variées.

Qui affrontent Paris, Londres, la solitude et le regard porté sur leurs identités en construction.

Un éclairage puissant sur une évolution sociétale par trop méconnue de nous

Apolline Elter

J’emporterai le feu, Leïla Slimani, roman, Ed Gallimard, janvier 2025, 432 pp

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *