Vingt-trois ans après publication de la biographie de la célèbre couturière, Jérôme Picon nous revient avec la réédition de celle-ci, revue et augmentée d’éléments nouveaux
« Que pouvait devenir cette petite Jeanne née dans l’obscurité d’un foyer ordinaire? «
Issue d’un milieu proche de la misère et d’une famille très nombreuse, Jeanne Lanvin (1867-1946) fera des frustrations engrangées dans son enfance le levier de son ascension financière et sociale.
Une ascension longue, laborieuse et pérenne, toujours interdite d’auto-satisfaction, de goût pour l’ostentatoire, grevée d’un sens aigu de l’observation, de la captation des tendances de l’époque et d’une passion du commerce.
Engagée comme arpète – apprentie modiste – dès l’âge de treize ans, Jeanne travaille le chapeau – et, sur le côté, le chapeau de poupée, – et s’installe à son compte dès 1885 – l’année de ses dix-huit ans – au 22 rue du Faubourg Saint-Honoré (NDLR : l’immeuble, voisin de la Maison Hermès, est toujours occupé par l’enseigne Lanvin)
« Jeanne Lanvin élève son nom sur un pignon, et bientôt en griffe, juste avant que e chapeau ne change radicalement de forme et de fonction. Elle va ainsi créer les derniers chapeaux de l’ancienne manière et les premiers de la nouvelle, »
De compte en comte, Jeanne épouse Emilio di Pietro en 1896; le mariage est un échec mais il donne naissance à Marguerite – future Marie-Blanche de Polignac – qui devient la lumière de vie et de création de sa maman. En témoigne, entre autres, le logo de la Maison, créé en 1954.
Marguerite est l’inspiratrice d’une collection pour enfants qui grandit avec elle, tandis que le renom de Jeanne s’internationalise au même titre que son statut de couturière.
Et c’est ainsi que les « bleu Lanvin », « rose Polignac » et « robes de style » (et de qualité) deviennent les signatures de la Maison
Ainsi que perles et broderies.
Et bientôt les parfums dont le célèbre « Arpège » qui rend hommage à la mélomanie de sa fille chérie.
Le second mariage de Marguerite rebaptisée Marie-Blanche,- le premier obtient l’annulation – avec le comte Jean de Polignac conforte la pénétration de la griffe dans les sphères aristocratiques.
Et un succès qui va crescendo permettant à Madame » de prestigieuses acquisitions immobilières – une autre passion – pour son usage privé mais aussi professionnel.
« À son zénith, la maison Lanvin emploie plus de mille ouvrières réparties dans près de vingt-cinq ateliers, et s’étend sur une demi-douzaine d’immeubles, rien qu’aux abords immédiats de son berceau parisien, représentant en 1927 une valeur locative annuelle d’environ ,450 000 francs. Le plus important de ces immeubles, parce qu’il abrite le bureau directorial, est le 22 de la rue du Faubourg Saint- Honoré. «
Jeanne sait garder tête froide sur épaules et « se tient à l’écart de l’effervescence mondaine qu’elle habille »
Observer, saisir, rassembler et créer – voire anticiper – c’est sans doute cela cela la clef du succès
Et de la longévité
Une incursion intéressante dans la vie d’une femme qui a cultivé; et entretenu un certain mystère
Apolline Elter
Jeanne Lanvin, Jérôme Picon, biographie, Ed. Flammarion, 2002, nouvelle édition revue et augmentée, mars 2025, 464 pp