Je dirai malgré tout que cette vie fut belle

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 Depuis quelques années, le célèbre académicien opère , non des Mémoires – il ne veut pas encore les évoquer –  mais de réguliers bilans de sa vie et des questions métaphysiques qui le hantent.  Pour la troisième fois, il emprunte au poème d’Aragon, « Que la vie en vaut la peine  » ( Les yeux et la mémoire (1954)), le titre de ses amènes réflexions:

 « C’est une chose étrange à la fin que le monde

Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit

(…)

Je dirai malgré tout que la vie fut belle. »

L’essai prend , pour le coup, la forme d’un procès. Celui d’une vie longue, riche et belle, revue de rencontres, anecdotes et de références livresques,  qui confronte un spirituel « petit Moi » au magistral Sur-Moi, juge sévère et impartial, garde-fou de toute vanité. 

   » MOI: Mesurez-vous, misérable petit Moi, l’étendue de votre chance?  L’amour de vos parents. Une vie lisse et facile. Des décors qui changent aussi vite qu’au théâtre. Dans les douze ou treize premières années de votre existence parmi les tumultes du temps, bordée et protégée de toute atteinte par le hasard ou par la Providence, tout vous est donné à foison.(…)

Moi: Je n’ai pas tout. Ma santé est fragile. (…) il a fallu m’élever comme une petite chose en péril et au jus de carotte. Vous devriez me voir, distingué Sur-Moi, sous les traits d’un lapin. »

  La facture est astucieuse.

Le dialogue, élégant, alerte et drôle – grave par moments- fait de ce texte, un bijou de lecture.  Sans doute l’essai le plus réussi… Celui d’un « incorrigible optimiste » qui s’aime suffisamment pour se permettre l’autodérision.

 Apolline Elter

Je dirai malgré tout que cette vie fut belle, Jean d’Ormesson, de l’Académie française, témoignage, éd. Gallimard, janvier 2016, 490 pp