Jacaranda

Tous les marqueurs sont alignés: Jacaranda est roman fort et – phare de cette rentrée.

Huit ans après le sublime Petit Pays (Ed. Grasset, août 2016 – cfr chronique sur ce site) Gaël Faye nous revient avec une vision encore plus intense, plus douloureuse – certaines descriptions sont insoutenables – du génocide rwandais de 1994 mais aussi et surtout une réflexion sur la possibilité du pardon et d’une cohabitation apaisée entre ethnies rendues ennemies, les Hutu et les Tutsi

Enfant unique de Venancia, Rwandaise réfugiée en France en 1973 et Philippe, issu d’une famille française bourgeoise, Milan  ne vit le généocide de son pays maternel que par une pâle procuration. Le sujet est tabou, sa mère lui oppose un silence forcené. Seule l’arrivée de Claude, « cousin » blessé, soigné et rapidement reparti lui fait côtoyer le drame et sa famille rwandaise

Le divorce de ses parents, en 1998, lui offre enfin l’occasion d’un séjour à Kigali, au sein de sa famille tutsi

« J’étais une attraction, le fruit étrange d’un tortueux arbre généalogique. »

Il y retrouve Claude, découvre sa grand-mère, mais aussi Eusébie, la solaire maman de Stella , enfant conçue tardivement comme réparation du meurtre sauvage perpétré sur ses quatre enfants: Christelle, Christiane, Christian, Christine.

Il y rencontre Rosalie,  la maman d’Eusébie, centenaire détentrice d’une immense part de la mémoire familiale.

Son destin est scellé d’amour pour ce pays qu’il fait sien.  Il apprend peu à peu à en  mesurer la complexité quand il y revient, en 2005, pour assister aux procès de tortionnaires hutus

« Tu viens ici en touriste et tu repartiras en pensant avoir passé de bonnes vacances. Mais on ne vient pas en vacances sur une terre de souffrances. Ce pays est empoisonné. On vit avec les tueurs autour de nous et ça nous rend fous. Tu comprends ? Fous ! »

Stella a grandi à l’ombre  et en fusion du jacaranda, arbre aux feuilles mauves qui symbolise tant la mémoire de sa famille – sa fratrie est enterrée en dessous – que les germes de sa propre souffrance existentielle,  transgénérationnelle.

Et parmi tout cela surgit le vrai et grandiose enjeu de cette narration sublimé:

. Tes ancêtres vivaient sur ces collines et certains ont payé de leur vie pour que tu te sentes chez toi. »

Un roman grandiose

La lecture audiolivresque sobre qu’en opère l’auteur est tout simplement idoine

Apolline Elter

Jacaranda, Gaël Faye, roman, Ed. Grasset, août 2024,288 pp – Ed Audiolib, août 2024, texte intégral lu par l’auteur (suivi d’un entretien avec celui-ci), durée d’écoute: 6h 55 minutes.

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