Frères

Le suicide d’Emmanuel, le 11 octobre 1993, demi-frère d’Alexandre Jardin et de trois ans son aîné, pulvérise le jeune écrivain – il a 28 ans à l’époque –  d’ un  « Hiroshima intime ».

Trente ans durant, le cadet va tenter d’enfouir cette date dans les tréfonds de sa mémoire et d’un sentiment de culpabilité difficile à assumer, celui de ne pas avoir pris la mesure d’une détresse  abyssale, de n’avoir pu l’en sauver.

« Mal-né, non-désiré »  des amours de Pascal Jardin et d’une femme cruelle, humiliante et destructrice, Emmanuel se venge d’une prise de liberté sans vergogne, sans foi ni loi et généreuse à la fois.

Antithèse, « anti-moi » d’Alexandre, il fait figure de mentor, de professeur d’extravagances , l’entraînant aux confins de l’inceste et d’une « sieste poisseuse »

Un être « libre à en crever »

C’est ce qui s’est passé.

Armé du soutien  d’une « femme-vie », « femme-lumière »- sa compagne – , Alexandre Jardin se sent enfin de taille à évoquer la mémoire de son frère,, son parcours, ses frasques, les raisons de son trépas

D’un texte dense, beau, brillant , incarné, mâtiné d’images fortes, de formules percutantes et de tendresse assumée, l’écrivain offre à son frère une digne « sépulture de papier »

Un berceau de vie, en réalité.

 » Avec lui, J’ai appris qu’il n’est pas nécessaire de comprendre l’autre pour l’aimer »

Ce faisant, il adresse à Frédéric son cadet , un hommage pré-posthume qui trace les lignes de force, reconstitue l’alliance de leur fratrie fracassée.

Une lecture majeure de ce mois de septembre

Apolline Elter

Frères, Alexandre Jardin, récit, Ed. Albin Michel, septembre 2023, 176 pp

 

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