« Yvonne et Christine Lerolle au piano, avec sa facture classique, sa maîtrise de la composition, et de la couleur, est non seulement un des chefs-d’oeuvre de Renoir, mais un de ceux qui souligne le mieux sa tendresse pour ses modèles. Si Renoir reste le peintre des baigneuses aux chairs nacrées, sensuelles et appétissantes, il est tout autant le peintre de ces jeunes filles à la beauté tranquille et douce qu’il vient de surprendre dans l’attente de leur destin de femmes. Et que chacun, sous ce pinceau caressant et jovial, peut croire destinées au bonheur. »
Tout est dit.
Intriguée par le tableau du célèbre peintre, exposé au Musée de l’Orangerie (Paris), Dominique Bona découvre rapidement que l’expression de bonheur affichée par Yvonne et Christine, filles du peintre Henry Lerolle, soeurs complices, protégées par la vie, un milieu d’artistes exubérant et une famille aimante, ne résistera pas au drame de leurs mariages respectifs avec Eugène et Louis Rouart, fils du collectionneur d’art, Henri Rouart.
Retraçant leur jeunesse dorée et les prémisses d’un mariage prometteur arrangé par Edgar Degas, la biographe nous propulse au sein d’un salon de rencontres merveilleuses, celui de Madeleine et Henry Lerolle, sis au 20 de l’avenue Duquesne (Paris). Passionné de musique, nanti d’une ouverture d’esprit et d’une amène tolérance, le peintre fera table ouverte, recevant chez lui Renoir, Degas, Debussy, Albéniz, Paul Valery, Francis James, Paul et Camille Claudel, instillant une joyeuse convivialité dénuée de tout académisme.
L’étau de mariages mal assortis rendra Yvonne esclave d’un mari tourmenté – Eugène Rouart – homosexuel et tiraillé d’aspirations contradictoires , l’isolera du monde par une vie retirée à la campagne , tandis que Christine fracassera son solide tempérament de nombreux orages matrimoniaux.
Une fresque magistrale que Dominique Bona décrit avec la rigueur historique le rythme et le brio qu’on lui connaît.
Une lecture hautement conseillée
Apolline Elter
Deux soeurs. Yvonne et Christine Rouart. Les muses de l’Impressionisme, Dominique Bona, biographie, Grasset, avril 2012, 384 pp, 20,9 €
Billets de ferveur
Nous avons posé quelques questions à Dominique Bona, en prolongement de cette belle conversation livresque. Nous vous en communiquerons les réponses à la suite du billet.. (AE)
Merci Apolline de nous parler de ce tableau charmant … le « modèle Renoir » ne l’est plus et devient une réelle personne !
Vous m’en voyez d’autant plus flattée, chère MH, que votre commentaire vient d’une spécialiste en la matière. A bientôt, je l’espère! Apolline