Raphaël Arthensis as Roufeyil Harbini de son nom arabe, a-t-il existé comme le consigne une « notice biographique incluse dans le dictionnaire des savants du Collège maronite de Rome » ?
S’il interroge, tâtonnant, la vérité historique, le récit revêt un intérêt majeur en ce qu’il est roman d’apprentissage. Il voit son héros parcourir l’ Europe et le Grand Siècle, depuis sa montagne libanaise , pour revenir auprès des siens » plein d’usage et de raison » , « cultiver son jardin », ou plus précisément ses oliviers….
Au départ des maigres éléments qu’il possède, Charif Majdalani va prêter à Rafaello des voies de vie possibles.
Envoyé à Rome, en 1621 , auprès du collège maronite, pour traduire et commenter des textes orientaux, le jeune garçon – il a treize ans – assimile vite les matières inculquées (l’italien,les langues anciennes, la théologie, ..) mais ne s’en satisfait : il est tôt attiré par les théories de Gallilée.,lesquelles sont bientôt condamnées (1633)….Il voyage, se noue d’amitié avec Nicolas Fabri de Peiresc (1580-1637), haute figure intellectuelle de l’époque, dont les Lettres à Malherbe sont passées à la postérité, enchaîne les aventures amoureuses, se procure des lunettes astronomiques prohibées, .
Sa rencontre, vers 1642, avec le gentilhomme vénitien, Nicolò Sarti va modifier le cours de sa vie.
De sa cousine Patricia, la patricienne, il est follement épris:
« Patricia l’aime parce que, dans ses mots, le monde se pense. Quand il s’exprime, les choses s’ordonnent, prennent sens, et semblent retentir en elle. Il lui parle du ciel corruptible, de profondeur sans fin. et une ombre passe dans le regard de la jeune patricienne qui se demande où est Dieu, évidemment, et sans doute n’ ose- t-elle pas questionner Raphaël, de peur d’être conduite à entendre des choses interdites. »
La découverte de Constantinople, en 1645, aux côtés de Nicolas Sarti le subjugue, Sa route redevenue solitaire à la mort de ce dernier, le mène à Ispahan, en Perse, à Venise, Rome et Paris – il y rencontre Mazarin – mais aussi en Syrie, au Mont-Lban… Blessé dans une embuscade à Vicence, il est amputé du bras droit, ce qui ne l’empêchera pas de continuer à écrire – de la main gauche – se cultiver et de se marier,: En juin 1651, il épouse Mariam, de vingt ans sa cadette, fille d’un riche négociant de Deir-el-Kamar (Liban).
Le couple voyage, à Gênes, à Paris.. Raphaël est convié au salon de la marquise de Rambouillet, remarqué par le poète Brébeuf, …, s’installe à Amsterdam, où il côtoie Rembrandt
Expérience agissant, sagesse aidant, Mariam et Raphaël s’en retournent au Mont-Liban.
Ulysse et Candide réunis, Raphaël trouve bonheur et fin de vie (1674), entouré de sa famille – leurs quatre enfants – riches propriétaires d’un haras de chevaux et d’une oliveraie
. »Il vérifie la bonne marche de son pressoir à huile, il ausculte les arbres, surveille l’arrosage et les récoltes, écoute une mésange, respire l’air chargé du parfum humide des plantations. »
Une happy end en forme de conte philosophique
Une lecture plaisante, égrenée de courts et vifs chapitres
Apolline Elter
Des vies possibles, Charif Majdalani, roman, Ed. Seuil, janvier 2019, 188 pp