« Né Jardin, je sais qu’il n’est pas nécessaire d’être un monstre pour se révéler un athlète du pire. Mon grand-père – Jean Jardin dit le Nain jaune – fut, du 20 avril 1942 au 30 octobre 1943, le principal collaborateur du plus collabo des hommes d’Etat français: Pierre Laval, chef du gouvernement du maréchal Pétain. »
D’emblée, l’argument est campé, crachée, la vérité: le sang qui coule dans les veines des Jardin se plombe du spectre de la Rafle du Vel d’Hiv (juillet 42) et des exactions commises en toute « bien-pensance » par un grand-père …respectable. Au-delà de ces révélations présentées jusqu’à présent dans leur forme feutrée, ce que l’écrivain cherche à comprendre c’est comment son aïeul a pu garder la conscience sereine – du moins en apparence – en obéissant à des injonctions à ce point criminelles.
« Car on peut être un moteur du pire tout en gardant un coeur. »
Entre le « Nain » et Alexandre Jardin, il y a son père, Pascal, le Zubial, réfugié dans l’entourloupe, la fantaisie débridée, faute d’avoir pu assumer le terrifiant héritage paternel. Son décès, en 1980, poste grand-père -Jean Jardin est décédé en 1976 – et petit-fils en un face-à-face existentiel qui aboutit, trente ans plus tard, à la publication d’un « journal de bord de sa lucidité » d’autant plus honnête que pénible.
Avec pour enjeu, une résurrection du Zubial, mort psychiquement, en 1942, à l’âge de neuf ans.
« Devenu son jumeau en âge, j’éprouve le besoin vital de détricoter l’illusion littéraire qu’il confectionna pour se protéger – et nous soulager – d’une réalité irrespirable «
Apolline Elter
Des gens très bien, Alexandre Jardin, Grasset, janvier 2011, 300 pp, 18 €
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