Du [flamboyant] soleil des Scorta (Prix Goncourt 1994) à l’épique, incantatoire Pour seul cortège (Actes Sud, 2012) la plume de Laurent Gaudé rassemble et exprime, en ce nouveau roman,la quintessence de son style.
» Personne n’avait remarqué que les oiseaux s’étaient tu, que les poules, inquiètes, s’étaient figées de peur.
Personne n’avait remarqué que le monde animal tendait l’oreille, tandis que les hommes, eux, continuaient à vivre. »
Centrale et bouleversante- par essence- la description du séisme qui frappe Haïti en janvier 2010 semble jaillir de la plume d’un témoin, tant elle est minutieuse, épousant seconde par seconde, la pénétration des esprits:
« Hommes, trente-cinq secondes, c’est un temps infini et vos yeux s’ouvrent autant que les crevasses qui lézardent les routes et les murs des maisons.
En ce jour, à cet instant, tous les oiseaux de Port-au-Prince s’envolent en même temps, heureux d’avoir des ailes, sentant que rien ne tiendra plus sous leurs pattes et que, pour les minutes à venir, l’air est plus solide que le sol. »
En point de mire, le destin de Lucine – prénom de lumière – revenue à Port-au-Prince pour y trouver l’amour, mais aussi celui de ces milliers de survivants qui doivent s’affranchir des morts – victimes d’une terre cannibale – afin de conserver leur salut.
Un Laurent Gaudé d’ ampleur, d’amplitude.
Apolline Elter
Danser les ombres, Laurent Gaudé, roman, Ed. Actes Sud, janvier 2015, 256 pp
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