- » Marie-Antoinette, où es-tu? Derrière les rideaux de son théâtre, elle semble attendre le rôle tragique, le seul qu’elle saura interpréter, qui donnera la mesure, non pas de l’actrice, mais de la vaillante héroïne que la Révolution française va débusquer. »
Tout est dit.
Une rencontre fortuite avec la célèbre reine de France, puis des Français, par la lecture de la (merveilleuse) biographie que Zweig lui consacre fait entrer Marie-Antoinette dans la vie de la romancière, Christine Orban.
L’intrusion n’est pas anodine qui risque la confusion entre deux intimités, malgré les siècles qui séparent les deux femmes.
Mais il faut rendre justice à l’Autrichienne, cette femme-enfant, prisonnière de la cour de Versailles, d’une étiquette contraignante, humiliante, écrasante. Une femme enviée, calomniée… qui n’eut ni le feeling ni l’adresse de se rendre justice quand il était encore temps. Une femme éprise de liberté, notion bien incompatible avec celui de sa royale fonction.
Sondant de l’intérieur les éléments, événements que devra affronter la jeune archiduchesse, débarquée à 14 ans et demi de son Autriche natale pour épouser le Dauphin, futur Louis XVI, l’Inquisition matriarcale opérée par sa célèbre mère, l’impératrice Marie-Thérèse, la très tardive consommation du mariage – après sept ans d’union – , l’exutoire, havre de liberté que constitua l’usage du Trianon et l’abolition, en ses murs, de l’étiquette … Christine Orban nous offre un portrait magistral d’une victime d’un système, certes enfantine et frivole – qui ne se réveillera, ne se révèlera à elle-même que dans l’adversité, la solitude de la Conciergerie, puis de la prison du Temple.
» A quoi pensait-elle, seule dans sa chambre de la Conciergerie, le fil de laine enroulé autour de l’index, à planter ses aiguilles dans d’interminables écharpes ? Que la Révolution l’a sauvée d’elle-même pour la tuer en pleine conscience? »
Mais encore:
« Déjà dans le premier isolement de sa vie, aux Tuileries, seule ou presque, elle commence à comprendre enfin. Rien ne lui aura été plus fatal que les facilités dont le destin l’a comblée, l’encourageant à la paresse dès la naissance »
Et enfin :
» Marie-Antoinette a fui dans le batifolage et se retrouve dans la solitude. «
Le travail d’investigation accompli par la romancière est colossal. Magistral. Il s’inscrit dans la digne lignée de celui accompli par Stefan Zweig, ajoutant à l’introspection, à l’empathie cette fusion, cette révélation (habitation ?) d’intimité que seule, je crois, une femme peut accomplir
Une lecture que je vous recommande haut et fort
Apolline Elter
Charmer, s’égarer et mourir, Christine Orban, roman, Ed. Albin Michel, avril 2016, 300 pp
Billet de ferveur :
AE: Christine Orban, au-delà du portrait de Marie-Antoinette, c’est la dignité du couple royal que vous réhabilitez. Louis XVI avait la réputation d’un roi apathique, assez inconsistant… Vous insistez sur sa tolérance, l’estime, l’affection qu’il porte à son épouse et le courage royal dont il fait montre au moment de monter sur l’échafaud.
Christine Orban: Marie-Antoinette comme Louis XVI, n’ont pas su vivre, mais, ils sauront mourir. Ils n’ont pas compris leur temps. Ils n’ont pas su s’adapter… Si Louis XVI avait voulu rester au pouvoir il aurait d’emblée accepté la monarchie Constitutionnelle. Ils accèdent au trône à vingt ans, aussitôt agenouillés ils demandent à dieu de les protéger « nous sommes trop jeunes pour régner… » Louis XVI est un brave homme. Ils ne sauront pas vivre mais sauront mourir, avec une grande dignité. Ce mariage forcé, finira en mariage d’amour et d’estime. C’est à son mari que M.A pense, quand Fouquier-Tinville l’accuse d’avoir eu des relations sexuelles avec son fils de sept ans, elle « en appelle à toutes les mères… » . Louis avait demandé si :« il n’y avait pas de pères dans cette assemblée du tiers ? » alors que le dauphin venait de mourir et que le temps du deuil leur était refusé.
Leurs testaments font preuve de leur grandeur d’âme. Je vous livre un extrait de celui de Louis XVI, pour qui aurait encore des doutes sur la relation qui la liait à Fersen… « Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher. »
Christine Orban était invitée de prestige du Salon « Ecrire l’Histoire », ce samedi 19 novembre, en la salle gothique de l’Hôtel de ville de Bruxelles. Ce fut un honneur d’animer l’entretien devant un public dense et conquis ( reportage-photos sur le site Facebook du Club de l’Histoire Patrick Weber, dont est extraite cette photo)
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Christine Orban, soyez-en vivement remerciée.©: https://www.facebook.com/pg/leclubdelhistoire/photos/?tab=album&album_id=1010814665712604
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