Avec un titre qui ne laisse rien présager de son contenu – ne vous laissez bercer, berner, par son velouté – Leïla Slimani signe un roman fort, très fort, …décapant, de la rentrée littéraire.
Un deuxième roman, du reste, après la parution remarquée en 2014 du Jardin de L’Ogre (Ed. Gallimard) qui avait valu à l’auteur franco-marocaine l’attribution convoitée du Prix littéraire de la Mamounia 2015.
Venons-en au fait, au portrait sidérant de Louise, nounou hors pair, engagée par Myriam et Paul pour garder Mila et Adam leurs tout jeunes enfants. Sa candidature est appuyée de solides références:
» Louise? Quelle chance vous avez d’être tombée sur elle. Elle a été comme une seconde mère pour mes garçons. Ca a été un vrai crève-coeur quand nous avons dû nous en séparer. Pour tout vous dire, à l’époque, j’ai même songé à faire un troisième enfant pour pouvoir la garder.«
Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes – parisiens – Myriam va pouvoir revêtir sa robe d’avocat, Paul se consacrer intensément à son job. Chaque soir, à leur retour, ils trouvent l’appartement frais et rangé, les enfants baignés, apaisés, souriants, le repas, prêt.. Louise est un vrai cordon bleu.
Au point que très rapidement, ils ne peuvent plus se passer de sa compagnie, de ses initiatives bienvenues..
« L’appartement silencieux est tout entier sous son joug comme un ennemi qui aurait demandé grâce. »
Envoûté par le tableau idyllique d’une organisation domestique sans faille, le lecteur se fait Myriam, se fait Paul, s’englue dans l’oppression larvée d’une menace croissante, indicible, insoutenable..
Il y a du Delphine de Vigan dans l’air ….
Un air dont l’oxygène se fait rare, la gêne, grandissante.
Dotée d’une plume-scalpel, précise, magistrale, Leïla Slimani dresse le portrait clinique d’une pathologie de la solitude, de la pauvreté, abandon, d’un complexe social qui ne parvient à s’exprimer, d’une névrose de la perfection qui va virer au drame, au rythme de chapitre courts, si bien conduits que le lecteur se laisse prendre aux rêts d’une lecture addictive .. dont il ne sortira indemne
Apolline Elter
Chanson douce, Leïla Slimani, roman, Ed. Gallimard, août 2016, 228 pp
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