« Existe-t-il sur Terre un homme dont on n’ait pas à se méfier? Je suis prête à donner dix ans de ma vie pour obtenir un « oui » ou un « non » fiable et garanti, si possible par Dieu en personne. Et je veux bien redonner cinq autres années de ma misérable existence si on me donne en plus l’adresse du bonhomme. Au moins le code postal. »
Désespérée par la rupture avec Hugues, l’infâme pignouf avec lequel elle partage sa vie depuis 10 ans, Marie – qui évoque fort Julie, l’attachante narratrice de Demain, j’arrête (Billet de faveur en vitrine du blog) – décide d’en découdre avec la gent masculine et ourdit une vengeance assez radicale à l’égard de son ex.
Les choses ne s’arrangent guère mieux au niveau de son boulot tandis que son esprit de solidarité – un peu don quichottesque – la propulse à la tête d’une coalition contre les -infâmes- instances dirigeantes.
Heureusement, il y a l’amitié: celle que lui porte Emilie, collègue et meilleure amie, le soutien de sa soeur, Caroline, de sa mère, des collègues masculins du service technique et même de Monsieur Alfredo, le barbérien concierge de l’immeuble.
Enfin, il y a ces lettres, anonymes, aimables, aimantes, sensibles..facteurs de surprise, de romantisme et de suspens.
Enchaînant avec brio les situations loufoques au comique parfois irrésistible, Gilles Legardinier nous offre un credo de tendresse et de convivialité humaine, vraie bouffée de fraîcheur dans une rentrée littéraire plutôt sérieuse. Son sens de l’image, des situations vaudevillesques et des complexités hyperboliques de l’âme féminine nourrissent les chapitres courts, vifs et fluides, d’un vrai plaisir de lecture.
Ce serait dommage de le bouder.
Apolline Elter
Ca peut pas rater, Gilles Legardinier, roman, Ed. Fleuve, octobre 2014, 422 pp
Billet de faveur
AE: Gilles Legardinier, vous aimez les gens, ça se sent et vous nous présentez de délicieuses microsociétés humaines, où il fait bon vivre ensemble, …c’est tout….
La faculté de sympathie rend le bonheur accessible :
Gilles Legardinier: Je suis comme tout le monde, je n’aime pas tous les gens ! Par contre, je sais depuis que je suis gamin que seul, je ne peux pas grand-chose et que je ne vaux pas beaucoup plus. Alors je suis curieux de ceux que je croise et je cherche parmi eux ceux avec qui je peux m’associer pour avancer. Vous avez raison, je crois que la faculté de sympathie rend le bonheur possible. Quant aux microsociétés, nous vivons au milieu d’elles. Notre famille, nos collègues, nos voisins, tous constituent des petits mondes au sein desquels nous évoluons. Nous avons un rayon d’action et un champ de vision limité, la notion même de macrosociété est à mon sens une vision abstraite générée par les médias qui ne correspond pas à notre ressenti animal. Alors comme mes livres tentent de parler de la vie…
AE: Vous aimez particulièrement les chats, « Paracétamol » et consorts illustrent les couvertures de vos romans:
Gilles Legardinier : Les chats sont fascinants. Ils sont les créatures qui vivent le plus près de nous tout en gardant leur libre arbitre. Ils évoluent dans nos intimités mais nous jugent. Cette proximité associée à cette indépendance est très intéressante.
AE: L’épistolaire tient une fonction importante dans la structure, le développement du roman: des lettres anonymes le ponctuent, qui contiennent la résolution de l’intrigue. Pétrie de mantras, la lettre de « Mémé Valentine » gouverne la vie de Marie. Une belle façon (hautement appréciée par notre blog) de remettre la correspondance sur le devant de la scène :
Gilles Legardinier: L’écrit fait partie de ma vie. J’ai toujours envoyé beaucoup de lettres, de petits mots, à ceux que j’aime, même à ceux avec qui je ne suis pas d’accord d’ailleurs ! Je trouve que ce qui est posé sur le papier renferme une autre puissance que celle de la parole. Il n’y a pour moi aucune volonté de mettre l’épistolaire à la mode ou en lumière. Je ne fais pas ce genre de calcul. Pour moi, écrire – des livres ou des lettres – est aussi naturel, aussi nécessaire que respirer.
Commentaires récents