« Bacon provoque ça chez celui qui le regarde : il lui cisaille les yeux »
Lorsque Yannick Haenel pénètre dans le Centre Pompidou, en octobre 2019, pour passer la nuit, seul, au sein de l’exposition » Bacon en toutes lettres » (sept. 2019 -janvier 2020), il est saisi d’une migraine ophtalmique qui l’aveugle d’emblée.
C’est sans doute le passage obligé, sorte de purgatoire, pour appréhender, lavé d‘a priori, les oeuvres des deux dernières décennies de vie de Francis Bacon (1909-1992) rassemblées en huit salles du Centre Pompidou, avec un focus sur les écrivains et penseurs qui les ont inspirées (Eschylle, Nietzsche, Georges Bataille, Michel Leiris, Joseph Conrad, …)
Et l’écrivain, lauréat du Prix Médicis pour son roman, Tiens ferme ta couronne (Ed Gallimard, 2017) de s’insurger contre le procès en cruauté intenté à la peinture certes violente de l’artiste:
« Soyons clairs : Francis Bacon n’est pas le peintre de la violence et de la cruauté, c’est la société qui est sadique (et qui a intérêt à nous faire croire que les artistes sont des détraqués). »
De pénétrer sensuellement les tableaux, d’engager avec eux un dialogue nouveau, sous la houlette d’un bleu délicat, apaisant, celui de la nuit et de l’appréhension des toiles à la seule lueur de sa lampe – torche
« Que rencontre-t-on à travers Bacon, sinon l’épreuve de vérité que sa peinture exige ? »
La barre est haute. A l’altitude de l’estime que Yannick Haenel porte au peintre irlandais depuis de longues années
« Je voudrais que ce livre trouve les mots qui fassent exister la peinture de Bacon et vous donne irrésistiblement envie de la voir. »
Apolline Elter
Bleu Bacon, Yannick Haenel, essai, Ed. Stock, collection “ Ma nuit au musée », janvier 2024, 227 pp