Léonor de Recondo avait ravi tous les suffrages avec la publication de Pietra viva (sept 2013 – chronique sur ce blog), fenêtre sur la vie intime de Michel -Ange et de sa création. Elle nous revient, en ce début janvier, avec un opus déconcertant, dérangeant… pétri d’harmonie(s) et d’une sublime écriture.
Sorte d’Emma Bovary d’un vingtième siècle débutant, Victoire de Boisvaillant cède avec répugnance aux assauts conjugaux d’Anselme, son mari, notaire. Quand elle découvre que Céleste, la jeune bonne, est enceinte des oeuvres.. notariales, elle décide d’en endosser la maternité par procuration.
« Céleste pousse de toutes ses forces la vie hors d’elle. Point de rideaux, point d’enfants curieux. Un silence qui se fraie dans son âme. Le silence qui précède la vie, le même, exactement le même que celui qui précède la mort, celui de l’être, de la pleine conscience.«
Explorant sans tabou le rapport féminin au corps et à la maternité, la narratrice en prolonge la complexité d’une projection identitaire et d’une homosexualité fusionnelle: enfant de deux mères, le petit Adrien devient l’enjeu de leur révélation à l’Amour, d’une sorte de trio amoureux et charnel dont l’homme est singulièrement exclu. Un amour qui rime avec liberté et pêché en une Belle époque qui trépigne à sortir de son carcan.
« Elle m’a donné un fils, elle lui a donné la force de vivre quand je n’arrivais même pas à le prendre dans mes bras. Elle m’a prise dans les siens alors que je ne savais même pas que j’étais en vie, que j’étais incapable de sentiments, d’émotions. Je ne savais rien avant elle. Elle m’a tout donné en silence.. »
Flaubertienne dans son écriture, son sens de la scène et la méticulosité de ses descriptions, Léonor de Récondo fustige pareillement les esprits bien pensants.
Une écriture divine.. à défaut d’être très… catholique.
Apolline Elter
Amours, Léonor de Recondo, roman, Ed. Sabine Wespieser, janvier 2015, 278 pp
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