Qui n’a entendu parler de la triple tragédie qui a endeuillé la famille d’Anne-Dauphine Julliand et de son mari, Loïc?
Marié en 2000, le couple donne vie et joie à quatre enfants: Gaspard, Thaïs, Azylis et Arthur.
Le malheur s’impose dans la famille dès l’année 2006.
Atteintes d’une leucodystrophie métachromatique – un nom barbare pour une maladie lysosomale qui ne l’est pas moins – leurs deux fillettes, Thaïs et Azylis décèdent, respectivement à l’âge de trois ans trois-quarts et de dix ans et demi.
Gaspard, le fils aîné, se suicide, la nuit du 20 janvier 2022, veille de ses vingt ans.
Un tel acharnement du sort paraît tout simplement insupportable.
Invivable
Peut-être même inaudible
Mais il y a en certains êtres humains des forces d’amour et de foi en la vie qui rendent néanmoins possible, pour un couple, pour une famille , de poursuivre un chemin solidaire.
Un chemin ardu, himalayen , qui demande chaque matin d’avoir la force de se lever, d’affronter la journée.
« Forte de quoi? De se réjouir aujourd’hui? D’être debout? D’être en vie? Mais a-t-on le choix? Quand c’est l’instinct de survie qui guide nos gestes et nos pas? On n’est pas fort de sourire. Le véritable courage, c’est de faire en soi un espace à la peine. Un lieu immatériel où elle peut s’exprimer. L’autoriser à habiter le cœur et les pensées. Sans la laisser tout coloniser. Juste à sa place. À sa juste place. La vivre comme elle vient, quand elie vient. »
Une force que partage cette Maman, habitée à la vie, à la mort, à l’Amour, par son mari et leurs quatre enfants.
Et s’il y a un message central, à mon sens, que ce livre témoignage, bouleversant de sobriété veut offrir – il est vraiment question de cadeau – c’est qu’il ne faut pas se condamner à ne vivre que la peine. Il faut laisser la place à cette dernière, dans la souffrance et sans déni mais l’inclure dans un schéma « vivifère », si j’ose le néologisme
» Je prends conscience que la vie est là, dans ceux qui m’entourent. Et avec eux. Je garde en moi mes anges. Je les garde en cette demeure intérieure qu’ils sont seuls à connaître. Mais je vis avec les vivants. Pour les vivants. C’est aux jours d’Arthur que je veux ajouter de la vie. »
Convoquant en chapitres courts, denses, qui jaillissent comme des pépites, les affres, souvenirs, états d’âme et moments heureux de ce parcours de résistance hors norme, l’essayiste dispense une leçon de vie d’une richesse incroyable.
Qui nous fait grandir
Nous permet d’être heureux.
Merci Anne-Dauphine Julliand
Apolline Elter
Ajouter de la vie aux jours, Anne-Dauphine Julliand, récit, Ed. Les Arènes, octobre 2024, 144 pp