« Le saccage de la folie Titon fut considéré comme un désastre. On compta le moindre bouton de porte disparu, chaque pelle à feu, chaque pincette, le plus petit morceau de tapisserie arraché, les nappes déchirées, les oreillers crevés, les tasses de porcelaine ébréchées, les vestes de soie en lambeaux, le satin en confetti, les innombrables gilets de toile, les déshabillés de madame, les morceaux de mouchoirs brûlés, tout cela fit l’objet d’un compte précis, inventaire méticuleux où les chiffres s’empilent, neuf mille livres par-ci, sept mille par-là, dix-neuf mille livres par-ci, deux mille cinq cents par là. Mais le nombre des morts parmi les habitants du Faubourg, en revanche, resté vague, indécis. «
Prémices de la célèbre prise de la Bastille, le 14 juillet 1789, la mise à sac, le 28 avril précédent, de la Folie Titon, siège de la manufacture royale de papier peint, signe le mécontentement des ouvriers du Faubourg Saint-Antoine. Jean-Baptiste Réveillon, propriétaire de la manufacture, leur a, en effet « proposé » une diminution de salaire aux fins de lutter contre la concurrence étrangère.
» La nuit du 13 juillet 1789 fut longue, très longue, une des plus longues de tous les temps. «
Cette nuit, la journée qui suit, l’écrivain-cinéaste a décidé de nous les faire vivre depuis la foule des anonymes, de « raconter ce qui n’est pas écrit. « Il rend ainsi noms, faits, gestes, distribue les rôles parmi les acteurs du peuple, les agence en un fondu enchaîné saisissant, bruyant, presque odorant, ..restituant, d’un lyrisme jubilatoire, la marche exaspérée, inexorable de la masse vers la conquête de ses droits.
Une fresque puissante, pétrie de verve et d’éloquence.
Apolline Elter
14 juillet , Éric Vuillard, récit, Ed. Actes Sud, août 2016, 208 pp
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