Notre salon épistolaire du mardi, salue, ce jour, la parution d’un grand opus, celui du dialogue épistolaire qui nourrit l’oeuvre et la réflexion d’un « Juif athée » et d’un » Chrétien sans église » ,
C’est Sigmund Freud (1856-1939) qui établit le premier contact, avec Romain Rolland ( 1966-1944) en 1923.
Le père de la psychanalyse est transporté d’admiration pour celui de Jean-Christophe, Prix Nobel de Littérature en 1915.
Il lui en fait part d’emblée, avec humilité.
Dans une lettre (presque) testamentaire datée de mai 1931, Freud évoque la « mystérieuse attraction » qui le porte vers Rolland:
» (…) je puis vous avouer que je n’ai presque jamais ressenti comme avec vous cette mystérieuse attraction d’un être vers un être » – liée peut-être d’une façon ou d’une autre, à la connaissance de toutes nos différences. »
Si le corpus de la correspondance entre les deux hommes est modeste – une vingtaine de lettres – et la rencontre physique limitée à une occurrence, le dialogue, nourri d’estime et de divergences, est hautement fédérateur , facteur de réflexion. Sidéré par la « sensation océanique » développée par Rolland, Freud chemine mentalement, deux ans avant de lu répondre.
Contextualisées, analysées, les lettres sont étayées, relayées de la production de nombreuses autres missives – celles de Stefan Zweig, notamment, actif « cross pollinator » des liens entre ces maîtres .
Avec le cadeau d’anniversaire majeur que Freud adresse à Rolland , en 1936, pour son 70e anniversaire : la célèbre lettre ouverte intitulée » « Un trouble du souvenir sur l’Acropole »
Le travail accompli par le psychiatre et psychanalyste Henri Vermorel , aidé de Madeleine Vermorel , est tout simplement remarquable.
A notre tour de marquer notre sidération que pareille oeuvre d’érudition puisse voir le jour..
Elle donne voix aux lettres d’humanistes majeurs du siècle passé, et voie de réflexion exceptionnelle pour nous
Elle constituera, à coup sûr, la base d’un prochain de nos cours
Apolline Elter
Sigmund Freud et Romain Rolland. Un dialogue 1923-1936, Henri Vermorel, essai, Ed. Albin Michel, septembre 2018, 636 pp