Je connais un homme qui écrit une ou deux lettres par semaine à l’épouse dont il est veuf depuis sept ans. Chaque année, à Noël, il les relie et me les offre avec une gravité toute de délicatesse. J’en connais un autre qui, depuis la mort de son amie, tient un journal sous forme de lettres qu’il m’adresse sous enveloppe timbrée. J’en connais un troisième qui, de la prison où il est détenu pour avoir tué la mère de ses enfants, me fait parvenir des poèmes qui semblent adressés à une femme idéale. Je me demande si ces défuntes ne m’ont pas chargée, à mon insu, d’une mission délicate: être là pour recueillir les mots des hommes qui leur survivent. Mots auxquels ces endeuillés tyranniques préfèrent que je’ ne réponde pas.
Je suis une poste restante.
La fin des abeilles, Caroline Lamarche, récit, Ed. Gallimard, mars 2022, 208 pp