Marie de Sévigné adresse à son cher cousin, une lettre bien attachante, évoquant une complicité de longue date
A Bussy- Rabutin
A Paris, ce [lundi] 16e mai 1672
Il faudrait que je fusse bien changée pour ne pas entendre vos turlupinades, et tous les bons endroits de vos lettres. Vous savez bien, Monsieur le Comte, qu’autrefois nous avions le don de nous entendre avant que d’avoir parlé. L’un de nous répondait fort bien à ce que l’autre avait envie de dire ; et si nous n’eussions point voulu nous donner le plaisir de prononcer assez facilement des paroles, notre intelligence aurait quasi fait tous les frais de la conversation. Quand on s’est si bien entendu, on ne peut jamais devenir pesant. C’est une jolie chose à mon gré que d’entendre vite ; cela fait voir une vivacité qui plaît, et dont l’amour-propre sait un gré nonpareil. M.de La Rochefoucauld dit vrai dans ses Maximes : « Nous aimons mieux ceux qui nous entendent bien que ceux qui se font écouter. » Nous devons nous aimer à la pareille, pour nous être toujours si bien entendus.
Vous dites des merveilles sur l’affaire des maréchaux de France. Je ne saurais entrer dans ce procès ; je suis toujours de l’avis de celui que j’entends le dernier. Les uns disent oui, les autres disent non ; et moi je dis oui et non. Vous souvenez-vous que cela nous a fait rire à une comédie italienne ?
Extrait de Madame de Sévigné – Correspondance (I) (mars 1646-juillet 1675) – texte établi, présenté et annoté par Roger Duchêne, Gallimard, La Pléiade (1972)
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