Dans une lettre charmante adressée à Jean Cocteau, son « frère » de coeur, Louise de Vilmorin décrit le plaisir gourmand qu’elle éprouve à la perspective d’ouvrir la lettre que ce dernier lui a envoyée..
7 décembre 1935.
Mon Jean.
Ta lettre vient d’arriver. Je rentrais au moment même où le facteur allait la donner à la concierge, mais il n’a pas eu le temps de le faire: j’étais là et il me l’a remise directement. Tu sais comment, quand on est sûr d’un bonheur, on le retarde pour lui faire honneur et pour l’en embellir en pâlissant ? Eh bien! j’ai attendu non seulement d’être montée à l’appartement d’André où j’habite, mais encore j’ai été me laver les mains devant ta lettre posée en équilibre sur le bouchon du flacon de brillantine, puis j’ai été m’asseoir à ma table, puis je me suis relevée pour tirer les rideaux et enfin j’ai ouvert ta lettre et je l’ai lue mot à mot. (…)
Louise de Vilmorin – Jean Cocteau – Correspondance croisée, Edition établie, annotée et commentée par Olivier Muth, Ed. Gallimard, 2003, 226 pp