, en nos « Mar-dites-moi, Emile Verhaeren »..
La semaine passée, nous avons découvert combien le poète, quoique presque trentenaire, était hostile au mariage.
Les choses ont radicalement changé depuis qu’Emile a trouvé l’âme soeur en la personne de la peintre, liégeoise, Marthe Massin. (1860-1931) Ce sera l’amour de sa vie. Marthe et Emile formeront un couple des plus fusionnels; ils n’auront pas d’enfant.
Voici une première lettre d’amour. Elle est datée de : les jeunes gens se marieront, à Bruxelles, le 24 août 1891:
Hôtel Pozzo
Milan
[15 novembre 1889]
… Oh la meilleure que moi, quand je songe à tout ce qu’iI y a de bon, de doux, de résigné, de compréhensif, de dévoué, de profond, d’aimant dans vos lettres, je voudrais baiser votre main qui les a écrites et votre cœur qui les a pensées, pendant des heures et des heures ; je voudrais même que cette main me fît quelque mal pour l’aimer et la baiser, quand même, et toujours, et toujours. Vous me disiez « Faire votre bonheur, c’est tout ce que je souhaite. » Mais, toute infiniment chère, quand on donne à quelqu’un les moments de joie immense que déjà rien que par vos lettres, vous m’avez donnés – on est quitte vis-à-vis de lui, quoi qu’il arrive. Ma vie, depuis que vous la chauffez contre la vôtre, ma vie tourne comme une route vers une fête d’esprit presque ininterrompue. Je vais à vous comme on marche vers la clarté et le soleil. Je voudrais ne plus faire un pas, ne plus jeter un regard, ne plus songer un songe qui ne soit tout de vous, par vous, pour vous. Je voudrais me faire humble, petit, pieux, bon, clair, neuf, pour aller vers vous, dans mon amour, beau comme un dimanche. Enfin, sais- je ce que je voudrais ? Je n’ai conscience que d’une seule chose : c’est du changement qui se fait en moi par vous et de toute ma chair et de toute mon âme qui sont amour. Souvent, je m’interroge presque avec crainte, parce que depuis longtemps j’ai eu comme la peur du bonheur.
Je ne pensais pas qu’une femme telle que vous, un jour, devait descendre jusqu’à moi. J’avais cultivé toute une floraison de mauvaises plantes sceptiques que je laissais croître très bénévolement en moi.
Ai-je besoin de dire que toutes en ce moment sont arrachées et piétinées, qu’il ne reste plus dans ce jardin méchant, que des fleurs de confiance et d’absolue tendresse ?
Ma très infiniment aimée, dites, quelle responsabilité de reconnaissance ne dois-je pas assumer vis-à-vis de vous ?Oh si je pouvais vous brûler si profondément de mon amour que vous en criiez de bonheur, je donnerais tout : âme, sang, vie, cerveau, pensée, tout, absolument tout. »
A Marthe Verhaeren, Deux cent dix-neuf lettres inédites 1889-1916, présentées par René Vandevoir, Ed. Mercure de France, 1951, 462 pp
Mar-dites-moi, Emile Verhaeren
Du 12 juillet au 27 novembre 2016 (centenaire du décès du poète) , vous aurez rendez-vous chaque mardi pour des billets, infusions,, extraits de lettres , chroniques , ….relatifs au chantre du vitalisme.
Commentaires récents