1648
A Bussy-Rabutin
Des Rochers, le 15 mars
» Je vous trouve un plaisant mignon de ne m’avoir pas écrit depuis deux mois. Avez-vous oublié qui je suis et le rang que je tiens dans la famille? Ah!vraiment, petit cadet, je vous en ferai bien ressouvenir; si vous me fâchez, je vous réduirai au lambel. Vous savez que je suis sur la fin d’une grossesse, et que je ne trouve en vous non plus d’inquiétude de ma santé que si j’étais encore fille. Eh bien, je vous apprends, quand vous en devriez enrager, que je suis accouchée d’un garçon, à qui je vais faire sucer la haine contre vous avec le lait, et que j’en ferai encore bien d’autres, seulement pour vous faire des ennemis. Vous n’avez pas eu l’esprit d’en faire autant, le beau faiseur de filles.
Mais c’est assez vous cacher la tendresse, mon cher cousin; le naturel l’emporte sur la politique. J’avais envie de vous gronder de votre paresse depuis le commencement de ma lettre jusqu’à la fin; mais je me fais trop de violence, et il faut en revenir à vous dire que M. de Sévigné et moi vous aimons fort, et que nous parlons souvent du plaisir qu’il y a ad’être avec vous » ((Madame de Sévigné, Lettres choisies, Edition de Roger Duchêne, Gallimard, coll. folio classique)
Sacrée marquise: « Consciente d’avoir trop favorisé la cour assidue de son cousin Bussy et d’être entrée dans ses gaillardises avec plus de facilité qu’il ne convenait à une jeune veuve, Mme de Sévigné décida de se défier de cette amitié qui ressemblait assez à l’amour. Elle lui interdit de lui adresser des « poulets »(les billets doux pliés en forme de cocotte » (Roger Duchêne, Chère Madame de Sévigné, in Découvertes Gallimard, p 33).
Le climat se dégrade entre les cousins, si complices autrefois, surtout qu’en 1658, la marquise refuse de prêter à Bussy, la somme dont il a besoin pour partir en campagne. Ce dernier, homme de lettres, se venge en traçant un portrait de sa cousine aussi brillant que féroce « Cette belle(…) n’est amie que jusqu’à la bourse ».
Réaction de la marquise dans notre prochain épisode.
A suivre…
Apolline Elter
Cette évocation de Madame de Sévigné m’incite à une autre évocation, personnelle, celle-là : Madame de Sévigné est le nom que mon père donnait à ma mère quand il lui confiait la correspondance délicate (réclamations, requêtes, décès, voeux, etc.).
GUY
Merci pour ce commentaire, intéressant, précieux, touchant, ….La marquise est encore promise à un bel avenir!
Très cordialement,
Christine Jadoul
Et bravo pour votre blog au nom très inventif!