« Chez mes parents, à cette époque-là, on ramassait le courrier par terre, comme des fruits mûrs tombés de l’arbre – notre boîte aux lettres était devenue si vieille qu’avec le temps elle ne retenait plus rien, c’était une véritable passoire, mais nous l’aimions ainsi. Personne ne songeait à la changer. Dans notre famille, les problèmes ne se réglaient pas de cette manière, on vivait avec les objets comme s’ils avaient le droit à autant d’égards que des êtres humains.
Les jours d’averse, les lettres finissaient trempées. L’encre se diluait et les mots devenaient à jamais indéchiffrables. Le pire, c’étaient les cartes postales, dévêtues comme des jeunes filles, bras nus sans manteau en hiver. »
La carte postale, Anne Berest, roman, Ed. Grasset, août 2021, 512 pp