(Huitième épisode des Lettres coquettes adressées par la Marquise de Sévigné à son gendre tandis qu’il est parti seul en Provence assumer sa charge de Représentant du Roi et qu’elle a gardé auprès d’elle sa fille Françoise, fraîche accouchée – retrouvez les sept premiers épisodes de cette saga peu commune en notre rubrique « L’Epistolière »)
Passons la lettre du 3 décembre, par laquelle la Marquise informe le comte de Grignan de la mort de la Duchesse de Saint-Simon (petite vérole): « …et sa mort laisse presque tout le monde affligé de la perte d’une si aimable personne«
Pourquoi « presque »?
Mercredi 10 décembre 1670, retour à la charge, version artillerie lourde:
» Mme de Coulanges m’a mandé plus de quatre fois que vous m’aimiez de tout votre coeur, que vous parliez de moi, que vous me souhaitiez. Comme j’ai fait toutes les avances de cette amitié et que je vous ai aimé la première, vous pouvez juger à quel point mon coeur est content d’apprendre que vous répondez à cette inclination que j’ai pour vous depuis si longtemps.«
Je vous rassure, il ne s’agit que d’amitié. Il ne se passera jamais rien entre la Marquise et son gendre. Mais tout de même, Belle-Marquise fait montre de trop de coquetterie envers ce dernier.
Grand sondage auprès de vous, chers visiteurs, que feriez-vous à la place de Françoise de Grignan?
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Concernant la « mauvaise » nouvelle de la naissance de Marie-Blanche qui a commis l’impair de naître fille plutôt que le garçon attendu, il s’agit d’en ré-enduire une couche:
» J’aurais eu trop de joie de vous apprendre la naissance d’un petit garçon; mais c’eût été trop de biens à la fois, et ce plaisir que j’ai naturellement à dire de bonnes nouvelles, eût été jusqu’à l’excès. »
Dans ces conditions…
Venons-en au motif principal de vos soucis, chère Marquise:
» Il faut que je vous aime bien pour vous envoyer ma fille par un si mauvais temps. Quelle folie de quitter uns si bonne mère, dont vous m’assurez qu’elle est si contente, pour aller chercher un homme au bout de la France! Je vous assure qu’il n’y a rien qui choque tant la bienséance que ces sortes de conduites. »
Voilà qui est dit. Réalisez-vous, Marquise, l’énormité de vos propos?
Et puisque son gendre persiste à ne pas répondre à son courrier:
« Je vous défends de m’écrire. Ecrivez à ma fille, et laissez-moi la liberté de vous écrire sans vous embarquer dans des réponses qui m’ôteraient le plaisir de vous mander des bagatelles. »
Pathétique.
» Aimez-moi toujours, mon cher Comte; je vous quitte d’honorer ma grand-maternité, mais il faut m’aimer, et vous assurer que vous n’êtes aimé en nul lieu du monde si chèrement qu’ici. »
Tout porte à croire que sentant qu’elle agace prodigieusement sa fille, Marie de Sévigné essaie de sauver les meubles, et sauvegarder l’affection de son gendre….
A suivre.
* Madame de Sévigné – Correspondance. Texte établi, présenté et annoté par Roger Duchêne, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, Tome I, mars 1646-juillet 1675.
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