Le principe de Pauline, il est tout simple: transformer l’amour que lui portent deux hommes, Maxime De Pleister, un loyal taulard et Quincy Farriol, le narrateur, romancier un brin « loser », en une amitié virile et sans faille.
Reconnaissons que ce n’est pas donné.
« Décidément, j’étais condamné à n’avoir d’elle que des lettres de rupture sous forme de déclarations d’amour »
Les situations s’enchaînent, plus improbables les unes que les autres, en un joyeux imbroglio, tonique, comique, conduit de main de maître par un Didier van Cauwelaert, en forme souveraine. Usant des différents registres des langues écrite et orale, ce dernier pimente son propos d’une subtile dose d’auto-dérision, d’humour, de tendresse et de métaphores inventives. C’en est jubilatoire
Un lecture vivement recommandée
Apolline Elter
Le principe de Pauline, Didier van Cauwelaert, roman, Ed. Albin Michel, 2 mai 2014, 302 pp
Billet de faveur
AE : Vous avez doté, Maxime, l’un des protagonistes, d’un nom bien belge, puisque « De Pleister « signifie « le sparadrap » en néerlandais ..Outre que Maxime est très …attachant, avez-vous voulu rappeler par ce choix, vos propres origines belges ?
Didier van Cauwelaert : J’aime rappeler aux lecteurs français que l’ébullition extravertie n’est pas que méridionale. Il y a dans ma part belge une bonne dose de surréalisme loufoque mâtiné de loyauté brute de décoffrage (ce courant qui va de Magritte à Poelvoorde en passant par Devos…), et c’est une des clés de ma personnalité. Je suis assez « présent » dans Maxime. C’est un déraciné qui s’attache, un fidèle qui s’accroche, un démesuré qui se met en quatre pour faire votre bonheur malgré vous. Capable du pire au nom du meilleur.
AE : Ce premier roman dédicacé que Quincy découvre chez un bouquiniste, vingt ans après les faits, agit comme une lettre de retrouvailles. L’épistolaire semble baliser les moments-clés de ce roman :
Didier van Cauwelaert : Un livre de jeunesse réactualisé par la lettre qui lui sert de marque-page… Je suis hanté par ces moments-clés du passé qui surgissent au présent pour vous redonner la perspective (et l’envie) d’un avenir…
AE : L’énergie du ver de terre, L’extase du moucheron, La compassion des rats… les titres des romans et essai de Quincy sont des plus..vendeurs … vous nous gâtez.. :
Didier van Cauwelaert : Il y a chez Quincy une obstination quasi suicidaire qui est encore plus grave que la mienne. C’est un obsédé de l’autoflagellation. Nous avons en commun une lucidité parfois dommageable, mais personnellement je m’arrête à l’auto-dérision.
AE Clin d’œil à votre propre « Goncourt » de 1994, Quincy prend finalement, un « aller simple » pour Douvres, histoire de débuter une nouvelle vie. Même s’il représente l’exacte antipode de votre réussite, ce roman regorge d’allusions au processus de l’écriture. Une façon cathartique de vous libérer de la pression qu’exerça peut-être l’attribution de ce prix prestigieux ?
Didier van Cauwelaert : Le Goncourt a été un merveilleux cadeau, et la pression n’est fatale qu’aux personnes mal pressurisées. Je n’ai rien à reprocher aux réussites que mes lecteurs et mes pairs m’ont offertes. En revanche, comme tout le monde, je suis porteur de nombreux échecs intérieurs, et c’est à eux souvent que je donne la parole pour voir comment mes personnages s’en sortent. Les échecs nous en apprennent tellement sur nous… Rester fidèle à soi-même, demeurer têtu, confiant et ouvert aux coups de théâtre que le destin nous ménage, c’est souvent, comme pour Quincy, le meilleur moyen de surnager. Les malheurs nous cernent souvent, mais parfois le bonheur nous rattrape. A condition de ne pas le fuir au nom du principe de précaution – le contraire du Principe de Pauline. Il faut savoir se mettre ponctuellement en danger, pour résister aux terribles effets secondaires de la sécurité passive. Quant à l’écriture, c’est le seul moyeu efficace que j’aie trouvé pour tout à la fois retenir le temps, revenir sur mes pas et me projeter en avant sous d’autres formes Elle est chez moi indissociable de la vie amoureuse. Il est normal qu’on la retrouve au coeur des obsessions de Quincy, pour qui elle est tour à tour remède, poison et antidote.
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