« Paul n’ose pas le dire à sa femme mais, cette nuit-là, il se sent soulagé. Depuis qu’il est arrivé ici, un poids semble avoir disparu de sa poitrine. Dans un demi-sommeil, engourdi par le froid, il pense au retour à Paris. Il imagine son appartement comme un aquarium envahi d’algues pourrissantes, une fosse où l’air ne circulerait plus, où des animaux à la fourrure pelée tourneraient en rond en râlant.
Au retour, ces idées noires sont vite oubliées. Dans le salon, Louise a disposé un bouquet de dahlias. Le dîner est prêt, les draps sentent la lessive. Après une semaine dans des lits glacés, à manger sur la table de la cuisine des repas désordonnés, ils retrouvent avec bonheur leur confort familial. Impossible, pensent-ils, de se passer d’elle. Ils réagissent comme des enfants gâtés, des chats domestiques.
Chanson douce, Leïla Slimani, roman, Ed. Gallimard, août 2016, 228 pp
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