Aux Rochers, ce [mercredi 15 juillet] 1671
« (…)
Mlle du Plessis nous honore souvent de sa présence. Elle disait hier qu’en basse Bretagne, on faisait une chère admirable, et qu’aux noces de sa belle-soeur, on avait mangé, pour un jour, douze cents pièces de rôti. A cette exagération, nous demeurâmes tous comme des gens de pierre. Je pris courage, et lui dis « Mademoiselle, pensez-y bien; n’est-ce point douze pièces de rôti que vous voulez dire? On se trompe quelquefois. – Non, madame, c’est douze cents pièces ou onze cents. Je ne veux pas vous assurer si c’est onze ou douze, de peur de mentir; mais enfin je sais bien que c’est l’un ou l’autre » et le répéta vingt fois, en n’en voulut jamais rabattre un seul poulet. Nous trouvâmes qu’il fallait qu’ils fussent au moins trois cents piqueurs pour piquer menu, et que le lieu fût une grande prairie, où l’on eût tendu des tentes, et que, s’ils n’eussent été que cinquante, il eût fallu qu’ils eussent commencé un mois devant. Ce propos de table était bon; vous en auriez été contente. N’avez-vous point quelque exagéreuse comme celle-là? »
Madame de Sévigné. Correspondance (vol.I) .Texte établi, présenté et annoté par Roger Duchêne, Gallimard, La Pléiade, 1972.
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