« Il y avait dans cette musique une puissance d’envoûtement à laquelle Vladimir, malgré l’absence d’orchestre et ce qu’elle ôtait de nerf à l’interprétation, se découvrit sensible. C’était la première fois qu’une pièce classique jouait à ses oreilles, si l’on exceptait les brèves illustrations sonores de la radio pour ouvrir et fermer certaines émissions. Il n’avait jamais entendu ca et vérifiait, incrédule, l’emprise de la musique sur ses organes, comment elle entraînait le coeur et la respiration, comment elle animait le sang dans ses veines, le tempo agitato qu’elle donnait à ses cycles intérieurs. Il n’était plus son maître. Son corps consistait en parties molles et en parties dures, de la viande et des os dotés d’aptitudes diverses à propager la musique, ainsi qu’on dit d’un matériau conducteur de l’électricité. Sa vieille carcasse devenait, c’était selon, caisse de résonnance ou bloc d’étouffement des sons, de même qu’un instrument est conçu pour amplifier les remous de l’air. »
Le concerto pour la main morte, Olivier Bleys, roman, Ed Albin Michel, août 2013, 234 pp, 18 €
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