Les barbelés ont presque disparu, adoucis par les flocons qui semblent recouvrir leurs extrémités menaçantes. La neige tombe généreusement et forme bientôt un grand drap blanc, comme un linceul, sur la face grise et endormie de la prison. Le ravalement est quasi intégral. Résistent ici et là quelques pics acérés qui refusent de rendre les armes. Ils tiennent le siège, ne se laissent pas charmer par les gouttes, d’ordinaire si tristes et humides, ayant revêtu, ce dimanche, pour je ne sais quelle occasion improvisée, leur tenue de gala. De belles robes blanches par grappes tombent du ciel en virevoltant. J’avais oublié à quel point c’est beau la neige. Tout semble disparaître.
Laissez-nous la nuit, Pauline Claviere, roman, Ed. Grasset, janvier 2020, 624 pp