En marge des cours d’approche gourmande de la littérature – ils commencent ce jour – penchons nous sur l’ouvrage collectif publié sous la direction de l’ethnologue Jane Cobbi et du regretté Jean-Louis Flandrin.

Le repas ne s’est pas pris, en tout temps ni en tout lieu, autour d’une tablée, telle que nous la concevons en Europe. L’ingestion de nourriture et de boisson n’est pas nécessairement conjointe.

Le recueil propose dès lors un voyage à travers le temps et l’espace, une étude  historique  et ethnologique du repas, de l’alimentation et du goût.

Si  la Grèce antique avait intégré la notion de convivialité à la plupart des désignations de repas, les Romains voyaient plutôt dans la bonne chère et la transformation culinaire des aliments, un indice probant de civilisation. Et de préférer  le mou, le cuit (concoctio) , le farci ..qui fond dans la bouche, à la nourriture dure, frugale, facteur de constipation. L’essence vivante (et donc pourrissante) de la nourriture molle la prédisposait à la convivialité. Nourri de dur, le constipé, l’avare (constipé chronique)..n’était guère enclin à ladite convivialité.

Le Moyen Age fondera la plupart de nos codes relatifs à la table (position des commensaux,  ordonnance des mets…) à part l’usage individuel des couverts qui devra attendre la Renaissance: la fourchette est introduite en +/- 1570 à la table d’Henri III

Service à la française (disposition conjointe des plats), service à la russe (présentation séquentielle) civilités prescrites, usage des boissons, nombre et composition des repas, degré des raffinement et de liberté sont décrits à travers les différents pays d’Europe, du Moyen Age à nos jours.

La seconde partie du recueil propose un voyage à la rencontre des Maghreb, Chine, Japon, Vietnam contemporains, des Pygmées et habitants d’Afrique centrale: composantes indispensables des repas, fréquence et pondération de ces derniers, caractère expéditif et silencieux, décodage des rituels ..sont tant d’éléments qui alimentent un tour d’horizon …roboratif.

Apolline Elter

Tables d’ici, Tables d’ailleurs, essai, coll. dir. Jean-Louis Flandrin et Jane Cobbi, éd. Odile Jacob, 1999, 498 pp, 30 €