L’impossible retour

« Tout départ est une aberration. Je pense être placée pour le savoir, j’ai passé ma vie à partir. Mes parents diplomates déménageaient sans cesse, emmenant une progéniture plus traumatisée à chaque fois. Au lieu de m’y habituer, j’ai contracté une allergie aux départs. »

Toute rentrée littéraire est un cadeau. Les ouvrages s’étalent, appétissants, prometteurs, sur les gondoles des libraires.

Arrêtés, cette année,  au nombre de 459, les romans déploient, pour nous,  pour vous,  de nombreuses des tranches (de pain) sur la planche

Fidèle à la tradition imposée par l’exquise romancière belge, votre  Pavillon ouvre le bal annuel  des chroniques, de celle du nouvel « Amélie Nothomb »

Chronique d’un roman à dominante autobiographique, soutenu d’une réflexion profonde, sous ses allures de légèreté, à savoir, la difficulté pour l’adulte de revenir sur les traces de son enfance, d’en éprouver, identiques,  les sensations même s’ il remet « le compteur à zéro »

L’Eternel retour  est-il possible au sens de Nietzsche ?

Invitée par son amie photographe Pep Beni à se rendre au Japon, berceau, paradis perdu de sa prime enfance – elle en fut arrachée à l’âge de cinq ans – Amélie, Nothomb tente de s’armer d‘ »ivresse sèche », en cette fin mai 2023,  pour ne pas céder à la nostalgie et se mouler dans le simple et précieux rôle de guide touristique

Las, c’est peine perdue, la nourriture, les mets exquis ont tôt fait du lui restituer cette langue qu’elle pensait avoir oubliée et la plonger dans le souvenir du pèlerinage accompli aux côtés de son père en 1989.

« Cette appellation le dit bien, nous étions en 1989 sur les traces de 1972 : c’était une équipée dédiée à la nostalgie, vertu cardinale de mon père, dont j’ai hérité à cent pour cent. Si 1989 poursuivait déjà un but aussi intime, comment éviter que 2023 cherche les vestiges de 1989 en plus de ceux de 1972? »

Si l’oeil de Pep représente le nôtre, la découverte enthousiaste, tonique et .. « peps »  d’une terre nouvelle, elle offre un prétexte idéal à une tendre évocation de Patrick Nothomb, père hautement chéri de la romancière

Et cette dernière de nous affirmer que non, « Pep » n’est pas le substitut de « Papa »

Nous nous inclinons,

Et nous penchons, dans une même continuité pentue sur la relecture d’A rebours ( J-K Huysmans) que s’impose Amélie Nothomb durant son séjour tokyoïte

Un séjour ponctué d’éveils, sensations, illuminations  et de la confirmation de son incapacité à désormais y vivre

« L’âge adulte est une imposture »

En ce qu’il rend impossible le retour à l’enfance

Pour qui n’y a pas gardé pied….

Apolline Elter

L’impossible retour;  Amélie Nothomb, roman, Ed Albin Michel, août 2024, 160 pp

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