» Deux mondes se font face: le passé et l’avenir, l’histoire ancienne et l’histoire en marche, la monarchie et la Révolution. »
Spécialiste d’Honoré Gabriel Riquetti, comte de Mirabeau – il lui a consacré une thèse et un essai – Harold Cobert imagine, sur le ton d’un dialogue contemporain, la rencontre historique du tribun avec la Reine Marie-Antoinette. Il la situe le 3 juillet 1790, dans le jardin du Château de Saint-Cloud et… la plus grande discrétion.
– (…) La couronne est encore sur nos têtes.
– Mais le trône se dérobe sous vos pieds. »
Défenseur secret de la monarchie, l' »Orateur du peuple », aussi laid et repoussant que subtil et brillant, parviendra-t-il à convaincre sa royale interlocutrice du bien-fondé d’un plan..machiavélique?
« J’ai aidé à allumer un feu que j’espérais purificateur, un feu qui aurait fait renaître la monarchie de ses cendres…Mais le vent de la liberté attise toujours les braises de l’ambition et du fanatisme…«
Si le dénouement tragique de l’histoire est de notoriété publique, le roman en distille certains faits méconnus. L’image de la Reine, étonnamment courageuse et lucide, en est quelque peu réhabilitée.
Apolline Elter
L’entrevue de Saint-Cloud, Harold Cobert, roman, éditions Héloïse d’Ormesson, août 2010, 142 pp, 15 €
Le roman a reçu, ce 16 novembre, le Prix du Style 2010.
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Billet de faveur
Deux questions, deux prolongations d’ »entrevue », à la lecture de ce court autant que passionnant roman.
AE. Dans le roman, Harold Cobert, Mirabeau fait figure de « coach »: il explique à Marie-Antoinette, et par son truchement à l’indolent Louis XVI, la façon de reconsidérer leur fonction. Cela s’est-il vraiment produit ainsi?
Harold Cobert: Oui, car Mirabeau était vraiment conseiller secret du roi. Il lui adressait des notes secrètes pour le conseiller dans sa manière d’agir, quel projet de loi soutenir, etc. A travers ses notes, il parlait également, et même surtout, à la reine : il savait qu’elle seule avait pouvoir sur le bonhomme, qu’elle seule pouvait agir sur la versatilité du roi. Il savait qu’elle lisait ces lettres par-dessus l’épaule de Louis XVI. La phrase « Le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme » est authentique et extraite de cette correspondance. Et tous les conseils qu’il lui donne oralement lors de cette entrevue sont exactement ceux qu’il lui écrivait.
AE: L’arrivée de Marie-Antoinette en France -elle vient d’Autriche et s’apprête à épouser Louis XVI – et son départ,… par le biais de l’échafaud, donnent lieu à deux scènes humiliantes où elle doit se dévêtir en public. Ces scènes ne symbolisent-elles pas l’incompréhension mutuelle qui semble avoir toujours existé entre la jeune femme et la France?
Harold Cobert: C’est très juste, et, d’ailleurs, j’avoue que je n’avais pas fait le rapprochement entre ces deux épisodes ! L’incompréhension a en effet été le terreau tragique des rapports de Marie-Antoinette et du peuple français. Tous deux ont eu une fausse image l’un de l’autre : la reine voyait le peuple comme son pire ennemi et réciproquement. Pourtant, il aurait suffi d’un rien pour que Marie-Antoinette revienne dans les bonnes grâces de l’opinion. Il aurait suffi qu’elle écoute et mette en pratique les conseils de Mirabeau et vraiment, vraiment, sa destinée et notre histoire en auraient été profondément bouleversées. Par exemple, Mirabeau avait prévu un plan de fuite dans l’Ouest du pays, déconseillant de toutes ses forces une fuite à l’Est. Mirabeau meurt le 2 avril 1791. A peine trois mois et demi plus tard, le 20 juin 1791, c’est la fuite de Varennes, à l’Est, c’est-à-dire tout le contraire de ce que lui avait conseillé Mirabeau…
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