Ce dernier week-end de juin vous trouvera peut-être sur la route de Grignan ( Drôme provençale) et de son célèbre Festival de la correspondance.
Le thème de l’année parcourt les lettres belges, vous le savez. Nous saisissons l’occasion pour reproduire le billet de faveur paru sur le blog du Pavillon, voici 5 ans, lors de la parution de la belle biographie que Josyane Vandy consacrait au couple de Ghelderode
« Qu’est-ce qui m’a poussée à m’attaquer à la biographie intime d’un couple dont j’ignore tout ? »
Nous l’ignorons mais ce qui est sûr, c’est que Josyane Vandy a bien fait.
Approchant la vie d’Adémar Adolphe Louis Martens – Michel de Ghelderode (1898-1962) – écrivain mythique, fleuron de notre patrimoine littéraire belge, par le biais du couple solide et fusionnel qu’il forme avec Jeanne Gérard, la journaliste trace de cet être ambigu, versatile et complexe, un portrait en tous points passionnant; un portrait vivant, tonique, ancré dans l’actualité de l’époque, nourri d’une importante investigation documentaire, de compréhension vraie et, nous le confirmons, d’une « complicité sans complaisance. »
» Chaque jour, Michel s’étonne qu’une femme ait voulu d’un type tel que lui, qu’elle ait tout épousé de son destin, qu’ils soient l’un à l’autre aussi nécessaires, pareils à des vases communicants. »
De son mariage en 1924 à son décès en 1980 (18 ans après celui de l’écrivain) Jeanne de Ghelderode sera la garante de la fièvre créatrice, de l’interprétation de l’œuvre, du bien-être affectif et amical, des ripailles et guindailles, de la santé morale et physique d’un époux poussé par tempérament à tous les excès…
Ecrite dans le style journalistique « giroudien », factuel et sobre, cette monographie de couple est tout simplement… remarquable. Elle convie le lecteur à une approche vivifiante du génie burlesque – décédé voici cinquante ans – de son théâtre « râblé et couillu » et processus de création.
Une lecture recommandée.
AE
Jeanne et Michel de Ghelderode, La guerrière et l’archange, Josyane Vandy, biographie, Ed. Racine, décembre 2012, 236 pp, 22,95 €
Billet de faveur
AE : Connaissez-vous, désormais, Josyane Vandy, l’élément déclencheur du travail colossal que vous avez entrepris sur les époux Ghelderode ?
Josyane Vandy : Aujourd’hui encore, je m’interroge sur cette soirée de 1999 où devant la télévision, j’ai ressenti un électrochoc. Dans l’émission « Un siècle d’écrivains » (sur France 3), consacrée à Michel de Ghelderode, une photo de Jeanne, sa femme, m’a quasi interpellée. La photo d’une Jeanne, jeune, inconsciente alors du rôle que la vie, dans l’ombre d’un dramaturge de génie, allait lui réserver. C’est son sort qui, de prime abord, a piqué ma curiosité. Jeanne m’a conduite à Michel et Michel m’a ouvert le chemin vers Jeanne. Sans elle, a-t-il dit, je n’aurais rien écrit. Sans elle, ajouterai-je, mon livre n’existerait pas.
AE : Michel de Ghelderode était un épistolier prolixe, prolifique – 10 tomes de sa correspondance ont été édités par Roland Beyen. A-t-elle été le fil conducteur de votre récit ?
Josyane Vandy : Au début de ma recherche, j’ignorais tout de cette correspondance. Sa découverte fut une vraie jouissance. Et, en effet, le fil conducteur de mon récit. La parution des dix tomes a accompagné les dix années de travail que j’ai consacrées à la recherche de Jeanne et Michel de Ghelderode. Mon seul regret : que Jeanne et Michel se soient peu écrits, ne s’étant guère quittés tout au long des 38 ans de leur mariage. Une seule longue lettre, -lettre superbe que j’évoque longuement-, offre l’une des clés de ce couple extra – ordinaire.
AE : Vous laissez à Jeanne le chapitre final, le mot de la fin. Comment réagirait-elle à l’hommage, au zoom porté sur elle, que constitue cette monographie ?
Josyane Vandy : Sans doute aurait-elle été, de prime abord, méfiante, sur la défensive. Pour qu’elle m’accepte, il aurait fallu du temps, qu’on s’apprivoise l’une l’autre… mais j’ose espérer qu’elle aurait été sensible à l’hommage, en forme de justice, que j’ai voulu lui rendre, et à travers elle, à toutes les femmes qui « se sacrifient » à l’ombre d’un « grand homme ». Elle était d’une génération pudique, mais elle avait de l’humour et, peut-être, aurions-nous aimé rire ensemble. Je crois qu’elle aurait été secrètement flattée de se voir reconnue, et, qui sait, de ce beau nom de guerrière que je lui offre…