– AE : Geneviève Brisac, à peine sorti de presse, votre récit suscite l’empathie des lecteurs, blogueurs et chroniqueurs associés. Comment réagissez-vous devant ce courant de sympathie ?
Geneviève Brisac : cette empathie, cet accueil ému, chaleureux peut-être, vous me les apprenez et cela me réchauffe le coeur, me met les larmes aux yeux. Comment les saurais-je? C’est dimanche, il pleut je regarde le cerisier qui vient d’exploser de fleurs roses, les deux pies me regardent, et secouent leurs plumes bleues trempées par le crachin ; je me demande si j’ai su toucher, émouvoir, si j’ai su partager. Je suis dans l’attente, l’inquiétude, la solitude. Vous dites être émue. Je vous en suis très reconnaissante, j’aurais envie de dire: tout dépend de vous. Oui, il dépend de vous et non de moi que ce livre soit accueilli et reçu.
AE : Dans ce récit, tragique, de la mort d’un être cher – une mère – et de l’accompagnement nécessaire de son conjoint – le père – la narratrice paraît bien seule. Il n’est que peu question de sa proche famille et même de sa fratrie (ses deux sœurs). Est-ce un parti-pris que d’isoler ainsi la relation ou la réalité l’a-t-elle voulu ainsi ?
Geneviève Brisac.: Une année avec mon père n’est pas exactement un récit, et moins encore un mémoire. C’est un roman, même si l’évènement initial, l’accident, est véridique. J’ai voulu « attraper la vie », à travers des scènes, des moments, une construction cinématographique, un montage très précis. Le cadrage , si vous voulez, est exclusivement fait autour de ce père et de cette fille. C’est de cela qu’il s’agit. C’est cela qui est interrogé et scruté, éternisé aussi. Comme quand Cézanne peint la montagne sainte-victoire: rien que cela. Quant à la solitude, elle est le lot commun.
AE : Connaissez-vous Lydia Flem et son somptueux ouvrage « Comment j’ai vidé la maison de mes parents ». Fille unique, elle évoque le décès du dernier de ses parents avec une grande sensibilité. M’est avis que vous vous reconnaîtriez dans la façon subtile et généreuse dont elle aborde le départ d’un couple aimant
Geneviève Brisac: Bien sûr, je connais et j’aime Lydia, une psychanalyste passionnante, qui est la femme d’un grand ami, Maurice Olender, un homme savant et un homme tendre. Je suis heureuse que vous associiez nos deux livres.
AE : Et pour conclure, Geneviève Brisac, en quoi consiste votre madeleine de Proust ?
Geneviève Brisac: On a souvent dit que la madeleine de Proust était en vérité une biscotte trempée dans une infusion de tilleul.
La mienne est un croissant frais et chaud, trempé dans un café noir. L’odeur est primordiale, les effluves du café et ceux du croissant arrache aux désespoirs de la nuit, aux cauchemars qui me hantent. Comme souvent les artistes, j’ai des matins difficiles. La bouchée de croissant trempée dans le café me redonne espoir, j’ai alors la force de repartir au combat contre tout ce que la vie comporte selon moi d’injuste, de cruel, de décevant, de moche. J’ai la force à nouveau de croire à la beauté, comme disait Baudelaire.
Billet de faveur: Geneviève BRISAC, Une année avec mon père, éd. de l’Olivier, mars 2010, 180 pp, 16 €
Je ne connais pas cet auteur, mais cette interview est intéressante. J’espère que vous avez fait une bonne visite au Salon du Livre de Paris ; quelles sont les différences avec la Foire du Livre de Bruxelles? Ce n’est pas trop grand? Avez-vous vu des auteurs belges (Amélie Nothomb et Eric-Emmanuel Schmitt, probablement)?
Merci!
Je vous engage vivement à découvrir Geneviève Brisac qui, si elle n’est pas belge est formidable néanmoins!
Très cordialement,
Apolline